Film Vidéo Bretagne pêche d'ormeaux et coquilles St Jacques/ réalisation André Espern

 Documentaire de André Espern. Diffusé sur France 3 Ouest : "pêche d'ormeaux et coquilles en bouteille"

Sans filet, ni aucun engin de pêche sophistiqué, la pêche en scaphandre autonome a été longtemps interdite mais est, depuis quelques années, tout ce qu'il y a de plus officiel. Le long de nos côtes, ils ne sont que quelques rares « pêcheurs de bulles » à vivre de cette activité si particulière. Et en plus pour des pêches très ciblées : l'ormeau et la coquille Saint-Jacques. Le temps d'une journée, Jean-François nous raconte son métier en le transmettant au jeune Renan qui s'apprête à prendre sa succession.

Ormeau

Réalisation : André ESPERN

Prises de vues sous marine : Jean François PADET

Pêcheurs à bulles

                                                             (documentaire 26’)

Dans le monde de la pêche professionnelle, on trouve des pratiques et techniques multiples.

A l’instar des marins pêcheurs, pêcheurs à pieds, pêcheurs à la ligne, il y a aussi les pêcheurs plongeurs, ceux qui « se mouillent » pour aller « cueillir » certaines espèces dans leur élément.

Après une longue interdiction, deux types de pêches en plongée ont été autorisées en France : la pêche aux ormeaux et aux coquilles Saint-Jacques.

Grâce à la complicité de 2 pêcheurs plongeurs professionnels, nous allons nous immerger dans le monde de cette pêche sous-marine.

Jean-François, pêcheur d’ormeaux sur la côte d’Émeraude 

Renan, pêcheur de coquilles dans la Rance

Les propos de ces plongeurs seront étayés par les interventions de personnes dont le rôle est de réglementer et de contrôler cette pêche spécifique:

Loïc Antoine, un scientifique d’Ifremer

Un contrôleur des Affaires Maritimes

Parallèlement aux démonstrations des techniques de pêche lors de plongées -qui seront filmées- le film abordera les thèmes suivants : 

Pêche écologique dont la technique de « cueillette » respecte les fonds marins. Le contexte et l’espace de travail sont exceptionnels.

Pratique sportive risquée qui ne peut se pratiquer qu’à certaines conditions et jusqu’à un certain âge.

Polémiques autour de cette pêche : le peu de licences de pêches accordées fait beaucoup d’envieux et engendre des jalousies.

Difficulté des contrôles : à une époque de protection de la biodiversité et d’accroissement des réglementations, cette pêche dont le produit est rare et donc recherché et lucratif, est très attirante pour les braconniers

SEQUENCIER

 

prologue SUR GÉNÉRIQUE

 

Des bulles, une main qui décolle un ormeau d’un rocher, l’ormeau en apesanteur dans l’eau qui tombe dans un filet, des bulles.

Une coquille saint jacques qui file par bonds dans l’eau, comme dans un dessin animé, en ouvrant et claquant sa coquille… Une main la récupère et la glisse dans un filet.

 

TITRE

« Pêcheurs à bulles »

Plongée au pays de la cueillette sous marine

 

 

Séquence 1

 

rencontre avec Jean-François, pêcheur d’ormeaux

Jean-François Le Levier boit le café avec ses deux fils à qui il transmet jour après jour ses connaissances de la pêche sous-marine.

Jean-François a la cinquantaine et il est un plongeur professionnel. Il pêche les ormeaux depuis 25 ans. Son expérience et sa connaissance du mollusque font de lui un pêcheur très efficace. Mais il n’est plus tout jeune pour pratiquer ce sport quotidiennement et il espère que ses fils puissent reprendre le flambeau.

à bord du canot

Jean-François, aux commandes du canot, se confie à nous. Pour que ses fils poursuivent son travail et sa passion, ils doivent obtenir une licence, comme lui.

Avant cette pêche était interdite. Aujourd’hui, les licences sont délivrées au compte-gouttes. Il faut avoir moins de 40 ans, avoir le diplôme de plongeur professionnel classe 1 B et une expérience de 6 mois minimum dans la pêche, la dernière année. Il faut en plus 2 mois d'école de pêche et une inscription maritime. Il faut aussi avoir un bateau et une petite société.Et lui ne voudrait pas que ses fils soient des braconniers.

Les contrôles sont très fréquents, Jean-François trouve t’il cela juste ou un peu trop radical ?

Sequence 2

 

Dans les locaux d’ifremer

Loïc Antoine est Directeur du Département des ressources halieutiques. Il nous donne un aperçu de la population des ormeaux sur le littoral breton, nous parle des différents modes de pêches, et nous explique l’historique de ce mode de pêche et de son assimilation par les instances françaises.

Lui a toujours plaidé pour un encadrement strict des pêches en plongée.

« Ce mode de pêche est largement pratiqué dans le monde et il a été longtemps interdit en France sous la pression des marins -pêcheurs (qui en droit français ne peuvent exploiter les ressources qu’à partir d’un bateau) .

Au cours de l’année 1990 la légalisation de la pêche à la palourde en apnée (dans le golfe du Morbihan), la pêche de l’ormeau en plongée autonome et les demandes d’extension de ce mode de pêche aux autres espèces, ont ravivée la polémique. Exception faite des corailleurs méditerranéens, toutes les demandes de pêche professionnelle en plongée soumises depuis 35 ans avaient été rejetées.

Mais tout récemment, la pêche sous-marine des coquilles Saint Jacques a enfin été autorisée. »

 

Dans un bureau des Affaires maritimes

Un Agent nous explique les contraintes de la pêche en plongée, il nous montre une carte de la zone littorale et nous dit combien de licences ont été attribuées sur cette zone (4), le calendrier des jours autorisés et des interdictions, et les moyens employés pour contrôler le poids des prises de chaque pêcheur et traquer les braconniers.

Pour eux depuis que la pêche en plongée est autorisée, la chasse aux braconniers est devenue plus difficile.

Et depuis récemment, il y a aussi les pêcheurs de coquilles de Saint Jacques à contrôler.

Sequence 3

 

Chez Renan, pêcheur de coquilles Saint Jacques

Renan est ancien commando de l’armée ; il tente sa reconversion dans la pêche à la coquille Saint-Jacques.

Au mur de son salon, son diplôme délivré par l’Institut National de plongée professionnelle de Marseille.

En préparant ses affaires, il raconte : « Ça fait 1 an déjà qu’il plonge 5 jours par semaine pour ramasser au barrage de la Rance, non loin de Saint-Malo, la fameuse coquille Saint-jacques. »

Il a 30 ans, il est en pleine forme mais ce ne sera pas toujours le cas.

Sa décision : passer son capacitaire à l’école maritime de Saint-Malo pour augmenter ses chances dans la pêche professionnelle.

Nous le suivons, rejoignant Xavier, son beau frère, qui est aussi son patron, détenteur de l’une des 3 licences délivrées en Rance.

Sur la cale, Renan finit d’enfiler sa combinaison et plonge dans la Rance : il a pour mission de regagner le bateau à la nage, en guise d’échauffement…

 

 

 

 

jean-François arrive aux 7 îles

Le canot de Jean-François atteint les 7 îles et pointe dur les îlots du Triagoz, une des zones préférées de Jean-François. L’archipel des Sept îles est très propice à cette espèce car très rocheux. Les ormeaux se cachent dans les failles et sous les rochers.

Au vu des grappes de pêcheurs à pieds qui se précipitent à la faveur de la marée, on veut bien le croire.

Mais au moment de gagner plus précisément le repaire, Jean-François préfère qu’on éteigne la caméra : il veut bien se laisser interviewer mais ses secrets il ne livre qu’à ses fils...

Dès l’arrivée sur le site, Jean-François téléphone aux affaires maritimes pour signaler leur présence  situation gps, nombre de plongeurs…

 

 

 

 

Retour dans le bureau des Affaires Maritimes

Notre agent reçoit le message de Jean-François. Il nous explique que dans un sens la levée de l’interdiction de pêche en plongée permet plus de contrôle et donc de limiter le braconnage, car les professionnels détenteurs de licences combattent eux-mêmes les braconniers considérés comme des concurrents illicites.

sequence 4

 

Plongée avec jean françois et ses fils

Jean-François nous fait un petit point technique sur la plongée, les bouteilles, la durée d’une plongée.

Il y a 9 blocs, c'est à dire 9 bouteilles (+ une de secours). Toutes ces bouteilles lui appartiennent. Il suffit simplement tous les soirs de les recharger chez un ami qui tient un magasin de plongée et possède un compresseur.

Pour combattre le froid ils sont équipés de combinaisons humides, comme celle du grand public, mais sur mesure et beaucoup plus épaisse (10mm), ou de combinaisons totalement étanches.

Jean-François et ses fils s’équipent et plongent.

 

Renan et Xavier arrivent sur le lieu de pêche

Xavier plonge. Il est équipé d’un panier avec un arceau relié à une bouée visible de la surface. Renan peut de cette manière facilement le visualiser.

Renan nous parle de la difficulté, voire la dangerosité de cette pêche, qui exige une solide formation et des aptitudes physiques. Il est d’ailleurs difficile d’envisager qu’un pêcheur puisse faire toute sa carrière en qualité de plongeur…

Il jette l’ancre. Il devra patienter pendant 45 minutes environ, le temps d’une plongée.

 

chez Ifremer

Loïc Antoine souligne les avantages et les inconvénients de cette pêche. 

Il s’agit d’une pêche très sélective qui s’assimile plus à une cueillette, et qui préserve les espèces et leur milieu, ne perturbant pas l’écosystème. Elle permet une sélection qualitative du produit, et à la différence de la drague ou du chalut, elle n’engendre aucune casse des coquilles.

Cette pêche, nécessitant des investissements modestes, favorise l’arrivée de jeunes pêcheurs dans la profession. Enfin, elle permet d’exploiter des secteurs non accessibles aux engins classiques (failles, grottes…)

Pratiquée à partir d’embarcations rapides et légères, peu repérables, vite mises à l’eau et déplacées, il s’agit aussi d’une pêche très difficile à contrôler.

 

Sequence 5

 

 sous l’eau Jean François et Renan : la technique de « cueillette »

Jean-François initie ses fils par gestes. Ils descendent jusqu’à 10,15 mètres de profondeur. Chacun utilise un ergot, une espèce de crochet pour décoller l’ormeau de la roche. Leurs gestes sont précis, il s’agit d’une cueillette très délicate. Quand l’ormeau est décollé, le plongeur le place dans la « couille », accroché à sa ceinture qui ne gêne pas sa progression sous l’eau.

Sous l’eau dans la Rance avec xavier

Nous suivons Xavier sous l’eau : la Rance est très sablonneuse, c’est un environnement qui correspond parfaitement aux besoins de la coquille Saint-Jacques. On descend jusqu’à 8 et 15 mètres.

Il faut un œil expert pour distinguer la coquille dans le merle et les fonds sablonneux de la Rance. La main de Xavier nous montre les petits filaments blancs qui s’agitent et trahissent la coquille. On le voit ramasser les coquilles délicatement sur le fond et en remplir son panier. Il est temps de remonter, un petit signe de la main en direction du bateau et Renan vient récupérer le sac et lui en jette un autre par-dessus bord. Et voici Xavier qui d’un coup de palmes repart vers les fonds…

 

Renan à bord du canot : la « pige »  et la sélection de la pêche

A bord, le travail de Renan consiste à vérifier la taille des coquilles (10,5 cm) et à les nettoyer. Il s’extasie sur la beauté du paysage. Selon lui, la pêche en bouteille ne peut se pratiquer que par des gens qui respectent réellement la faune et la flore des fonds.

Ne cessant de garder un œil sur les bulles de son beau-frère, il poursuit : « la plongée c’est un métier et une passion, il faut vraiment aimer ce milieu sous-marin pour venir se geler 5 jours par semaine dans une eau trouble à 8 degrés… »

à bord du canot de Jean-François

Branle-bas de combat ! Jean-François vient de remonter à la surface. Le Mousse remonte l’ancre à toute vitesse et mène le canot jusqu’à son patron qui a surgi à la surface.

Jean-François défait d’abord sa ceinture de plomb, puis sa bouteille, et grimpe sur le bateau. Sa « couille » est remplie d’ormeaux que le mousse « pige » (il vérifie la taille, 9 cm). Les plus petits sont rejetés à l’eau.

Au père qui cherche ses fils, le mousse indique deux endroits d’où remontent les de bulles. Jean-François est rassuré : c’est toujours lui qui remonte le premier. Les deux fils, surtout l’aîné, vident leurs bouteilles moins vite que lui…

En les triant, Jean-François continue de nous montrer et d’expliquer : « l'ormeau est le coquillage emblématique de la Côte d'Emeraude. Il est appelé dans certaines régions "oreille de mer", ou ormier dans la Manche. L’ « or blanc », « la truffe de mer »…

Il ne se développe que sur un certain type de rochers, face au large, sous le ressac des vagues, là où poussent des algues, elles aussi spécifiques, dont il se nourrit. Pour atteindre son maximum de saveur, il lui faut des eaux fraîches. On ne le déguste pas pendant la période estivale, laquelle correspond aussi à sa période de reproduction. A l'automne, il a le goût, l'odeur du bas de l'eau, profonde et intense. La partie comestible s’apparente à un muscle épais d’un demi à un centimètre, remplissant la coquille. »

Les fils reviennent, et nos 3 plongeurs changent de bouteille et se déplacent un peu avec le bateau pour une deuxième plongée.

C’est reparti pour 45 minutes.

Pendant ce temps, à bord, le mousse bague les ormeaux : « chaque détenteur de licence possède un nombre bien précis de bagues à l’année, ce qui permet de contrôler la pêche »

Sequence 6

 

Retour de pêche

En repartant, nous longeons la Rance et apercevons des pêcheurs à la drague. Xavier explique à Renan : « Il existe une petite rivalité entre les pêcheurs à la drague et les pêcheurs en bouteilles. Notre coquille à nous est de bien meilleure qualité car pêchée à la main, elle ne reçoit aucun traumatisme lié au bruit, à l’entassement et à la manière brusque des dragues qui raclent le sol. »

On débarque les coquilles. Elles seront acheminées chez un mareyeur où elles vont passer 24 heures dans un bassin de décantation avant l'expédition sur le marché.

le retour de Jean-François

Coucher de soleil sur les 7 îles. Aux commandes du canot qui rentre au port, Jean-François finit ses explications : on a droit à 1,5 tonnes par plongeur, ce qui fait 4,5 tonnes pour notre petite entreprise.

Au port, les ormeaux seront directement acheminés chez un mareyeur. Demain ils remettent, ça, pendant pratiquement toute l’année. Chaque plongeur peut pêcher tous les jours, sauf les week-ends et jours fériés, du lever du jour jusqu’au coucher. De juin à août, Il prend ses vacances pendant que les ormeaux se reproduisent ! 

Jean-François a tout appris à ces deux fils. À 50 ans il est temps de ralentir, de passer le relais. Son métier, il l’adore, + de 5000 plongées à son actif…

Il continuera certainement son activité mais par pur plaisir ou pour aider ses deux fils.

Mais il nous confie sa nouvelle passion : avec ses fils, il prépare leur bateau à vision sous-marine pour les mois d’été où la pêche à l’ormeau est interdite.

 

sequence 7

 

 à bord de la vedette des affaires maritimes

Nuit sur l’océan. Un projecteur traque la surface. Tandis que les nombreux pêcheurs, qu’ils soient professionnels ou pêcheurs à pieds, sont rentrés chez eux, ici, le travail continue.

L’agent des Affaires Maritimes sillonne les eaux à la recherche des braconniers. Il y a une énorme différence entre les pêcheurs détenteurs de licences, qui respectent les fonds et les espèces, et les braconniers qui détruisent et dérobent les fonds des rivières et des océans…

Il y a 4 licences de pêche en plongée aux ormeaux de Paimpol à Saint-Brieuc ; 3 licences pour la pêche en plongée aux coquilles dans la Rance. Il connaît bien Jean-François, et aussi Renan et Xavier, chaque propriétaire de licence, chaque bateau. C’est les autres plongeurs, sans licences, qu’il faut traquer…