Documentaire historique de 52 mn diffusé sur les chaines Bretonnes Tébéo, TébéSud et TVR, Film d'André Espern.
Production de Bretagne-video.fr et Bleu Iroise.
Livres de pierres, livres de bois , Le Film
résumé
Livres de pierres, livres de bois
Les enclos paroissiaux sont apparus au XVIe siècle, « l’âge d’or » de la Bretagne. La région bénéficiait alors d’une économie florissante liée au commerce maritime, grâce à la production de chanvre et de lin, dont les toiles étaient exportées dans toute l’Europe. C’est à partir de cette époque que s’édifièrent les plus beaux enclos paroissiaux, jusqu'au XVIIe siècle. La compétition entre les communes bretonnes pour la réalisation du plus bel ensemble architectural a mobilisé nombre de ces artistes et artisans aux idées nouvelles: architectes, sculpteurs, verriers, ébénistes, peintres…
Ils marqueront la pierre et le bois de leur empreinte…
SYNOPSIS
LIVRES DE PIERRES,
LIVRES DE BOIS.
LES ENCLOS PAROISSIAUX, UNE DES ORIGINALITÉS DE LA BRETAGNE
Tragédie, mère des arts écrivait le poète ... Beauté, resplendissement de la vérité de l'être, pensait le philosophe. Si RIMBAUD note que notre civilisation est née du divorce malheureux de la poésie et de la philosophie, il existe un exemple d'accomplissement esthétique où s'est manifesté de façon éclatante et unique, ce mariage heureux entre les deux pensées, entre le tragique et le sacré. |
Cet exemple, ce moment de l'histoire de l'art à l'éclat si particulier est celui des enclos paroissiaux. Ils constituent un ensemble architectural unique en France. Composés d’une église, d’un mur d’enceinte (d’où leurs noms), d’un portail monumental ou arc de triomphe, d’un calvaire et d’un ossuaire, la majeure partie des enclos paroissiaux de Bretagne sont situés dans le nord et le centre-Finistère.
Ils sont apparus au XVIe siècle, « l’âge d’or » de la Bretagne. La région bénéficiait alors d’une économie florissante liée au commerce maritime, grâce à la production de chanvre et de lin, dont les toiles étaient exportées dans toute l’Europe. C’est à partir de cette époque que s’édifièrent les plus beaux enclos paroissiaux, jusqu'au XVIIe siècle.
Le XVIIe, c’est l’âge d’or du baroque. L’Italie en pleine époque des contre- réformes luthériennes va développer cet art lumineux et coloré, jusqu’à l’excès même. Le monde entier, de l’Amérique du sud aux comptoirs de l’Inde, appliquera dans son art, la marque et le style baroque caractéristique qui affectera tous les genres représentatifs de l’art. Les artistes et ouvriers du monde entier feront le voyage vers Rome et les ateliers toscan pour s’initier aux techniques complexes de cet art révolutionnaire. La France et la Bretagne unifiée y enverront leurs compagnons du devoir et leurs meilleurs artistes, qui reviendront au pays l’esprit imprégné d’idées artistiques atypiques et d’un nouveau savoir faire.
La compétition entre les communes bretonnes pour la réalisation du plus bel ensemble architectural a mobilisé nombre de ces artistes et artisans aux idées nouvelles: architectes, sculpteurs, verriers, ébénistes, peintres…
Ils marqueront la pierre et le bois de leur empreinte.
Les enclos paroissiaux sont des créations parlantes. Ils nous livrent une connaissance encyclopédique. Cet art d’antan rend par ses fortes images, la connexion facile entre le visiteur contemporain et l’histoire des croyances de la Bretagne rurale du XVIIe.
La visite d’un enclos est une plongée dans le temps qui pourrait presque se passer de commentaire: sculptures, dorures et couleurs s’expriment d’elles-mêmes.
Témoignages d’une véritable tradition artistique au service de la ferveur religieuse, les enclos paroissiaux ont représenté l’ancrage des communautés dans leur histoire et dans leur culture. Lieu emblématique de l’appartenance à la collectivité, l’enclos remplissait une fonction religieuse mais aussi une fonction sociale par l’accueil des conseils d’élus, préfigurant les futurs conseils municipaux.
Où en sont aujourd’hui les enclos?
Ce documentaire nous permettra de découvrir que différents maîtres artisans œuvrent encore aujourd’hui sur ces monuments historiques. Le savoir faire des ouvriers qualifiés s’est transmis depuis l’époque prébaroque en perpétuant ainsi, la tradition de l’ouvrage d’excellence.
Avec l’aide ces derniers, nous visiteront les derniers enclos qui ont cette particularité d’être complets. Ils nous dévoileront quelques secrets de leur corporation; notamment pour la restauration à l’identique des pièces abîmées. Le travail avec l’outillage de l’époque reste obligatoire pour retrouver le même aspect que l’objet d’antan.
Des associations tel l’APEVE (Les enclos de l’Elorn) ou les Sept Calvaires Monumentaux de Bretagne se sont créées, pour préserver ce patrimoine. Elles s’impliquent fortement dans sa préservation par la mise en place de chantiers de rénovation, d’entretien, mais aussi par l’ouverture de « routes touristiques » et de circuits découvertes. Nous partirons à leur rencontre.
En 1990, j’ai réalisé une partie des images pour un documentaire sur les enclos paroissiaux. Nous avions à cette époque fait une étude approfondie du sujet. Où en sont les choses 25 ans plus tard ? La superposition de documents d’époque avec ceux d’aujourd’hui, nous permettra de voir l’évolution dans la restauration de ces chefs d’œuvre.
Une approche cinématographique actuelle:
- Les illuminations 3D réalisées par l’association des 7 Calvaires pendant l’été, nous permettent de nous rappeler que les personnages étaient autrefois peints de couleurs chatoyantes et transmettaient telle une bande dessinée, différents messages aux villageois.
- Des musées comme ceux de Plougastel Daoulas et Morlaix nous dévoileront l’histoire florissante du commerce du lin à cette époque, et du soutien financier considérable qu’il apporta à l’édification de ces superbes structures.
- Par des prises de vues aériennes en drone, nous présenterons sous un angle nouveau, les différentes parties composant l’enclos paroissial restées invisibles jusqu’à ce jour.
- Les vitraux comme les retables ou autres sculptures en bois et en pierre seront filmés au plus près. Ce sera pour nous l’occasion de rencontrer et d’insister sur le travail d’excellence de rénovation des compagnons actuels qui travaillent à l’identique de leurs confrères du XVIIe.
C’est l’ensemble de cet historique que nous souhaitons présenter aux téléspectateurs par un documentaire énergiquement réalisé, bien documenté au travers d’interviews et témoignages « d’anciens », d’artisans, de compagnons du devoir, d’historiens, et bien évidemment, des associations qui nous permettent de découvrir à nouveau les enclos paroissiaux tel qu’ils étaient il y a plus de 400 ans.
Les enclos paroissiaux, accord ultime du tragique et du Sacré, de l'esthétique et du religieux, tel est ce voyage auquel nous vous convions.
André Espern
SYNOPSIS
LES ENCLOS PAROISSIAUX
HISTORIQUE
- Georges Provost , Enseignant Chercheur, Spécialiste de l'histoire des enclos paroissiaux, nous parle de l'émergence de ces chefs d'œuvres architecturaux aux 16e et 17e siècle et des spécificités de l'art religieux breton.
L'univers des enclos Paroissiaux s'impose tout d’ abord dans sa spécificité géographique et historique. Si l'enclos paroissial s’est particulièrement développé en Bretagne occidentale ce sont dans les régions du Léon, du Trégor et de Cornouaille que son art atteint son apogée. Cet art est avant tout l'expression d'une double appartenance.
En premier lieu, appartenance à cette Bretagne qui près de deux siècles à partir de la seconde moitié du quinzième sera une Bretagne soucieuse de son indépendance sinon politique du moins économique.
En second lieu, appartenance à la paroisse. La paroisse, comme centre religieux des villes et des villages, dans le cadre d'une société imprégnée d’une foi traditionnelle et rigoureuse.
Dès lors, l'enclos s'offre, par son caractère unique, comme cet espace fermé où va se développer avec une intensité particulière, la vie religieuse, mais également la vie de la communauté dans son ensemble.
L’enclos a ainsi fonction de rassemblement des populations lors des fêtes, cérémonies et des assemblés. Il est le lieu où circulent les informations.
Nous sommes au début du quatorzième siècle. La Bretagne semble épuisée d’avoir investi toutes ses forces dans la guerre de succession du duché. Elle reste inquiète car les menaces sont encore présentes et elle doit toujours préserver sa défense, aussi bien sur son front intérieur que sur ses côtes.
Avec la fin de la lutte contre les CLISSON-PENTHIEVRE, elle reprend confiance en elle pour affirmer son indépendance grâce à la puissance de ses souverains, grâce aux progrès de l'autorité ducale et enfin grâce à la relance économique.
C'est ainsi que le quatorzième siècle devient le témoin de ce développement architectural.
Les ducs Jean IV et Jean V s'intéressent tous deux à cet essor artistique.
Le mouvement est poursuivit jusqu’en 1457 par Pierre II dit le Simple, duc de Bretagne (1450-1457), sous le règne de qui est édifiée, sur le Tronoën, en Pays Bigouden, un des premiers calvaires, et peut-être même le premier calvaire de Bretagne. |
La croissance des villes marchandes et de leur nouvelle fortune favorise les commandes de cet art raffiné, qui donne à cette terre un nouveau visage. Le quinzième siècle est le siècle des changements artistiques et le pouvoir ducal donne naissance à un style nouveau à l'image des princes Valois.
A partir de la fin du quinzième siècle, la balance commerciale bretonne dévient excédentaire et le restera pendant deux siècles. Cet essor économique repose sur la production des toiles et des draps de lin d‘une part, ainsi que sur le commerce maritime d‘autre part. La Bretagne va investir cette richesse dans la création artistique en favorisant la construction de châteaux mais aussi et surtout d’églises et de chapelles.
Les tractations commerciales entre la Bretagne et les pays d'Europe faciliteront les échanges artistiques. On va alors adapter les modèles étrangers en les intégrant à la réalité et à l'esprit de cette pointe chrétienne de l’occident. L'expansion économique progresse encore au seizième siècle mais va se fragiliser. Les guerres de la ligue, de 1589 à 1598 achève la flotte bretonne. Elle se tourne alors vers les activités de la pêche et du cabotage ce qui assure un revenu honorable aux paroisses qui peuvent alors emprunter de fortes sommes pour édifier des monuments, des retables et toutes autres œuvres d'art.
L’introduction du blé noir est une nouvelle source de richesse importante ainsi que la culture du lin et du chanvre. Dans le Léon, les tisserands sont plus aisés que dans les autres centres de production toilière répandus en Bretagne. L'élite paysanne fournira ainsi aux paroisses les moyens d'élaborer des projets d'agrandissement de leur patrimoine artistique, et même de se lancer dans de vastes constructions.
Les grandes villes marchandes influencent les campagnes par le rayonnement de leurs ateliers d'art. Les commandes restent nombreuses, même après la mort de la duchesse ANNE. Avec le commerce de la toile, par l'exportation de la production des moulins à papiers, le Léon s'est donné les moyens d'édifier les plus beaux enclos de cette partie de la Bretagne.
Cependant les guerres de la ligue épuisent la région ainsi que l'épidémie de peste de 1598 puis de 1622 et 1638. Louis XIV achève l'économie bretonne. En effet afin de développer une draperie française, Colbert décide de taxer les draps importés d'Angleterre, ceux- ci étant la contrepartie aux importations anglaises des toiles bretonnes.
L'Angleterre réplique en interdisant l'importation sur son sol de ces dernières. En 1713 le marché anglais est définitivement perdu.
La richesse du Léon s'amenuise au 18ème siècle, même si de grandes réalisations, telle SAINT THEGONNEC, sont mises en œuvre.
Dans ce cadre géographique et historique, la paroisse est l'unité religieuse, administrative et financière. Elle est dirigée par le recteur et par une assemblée composée par les habitants de la paroisse que l'on nomme le "général". Chaque élu étant appelé "fabricien". Les revenus de la paroisse proviennent de fermes, de maisons dont elle est propriétaire, mais aussi des offrandes de la quête, des troncs, des dons en nature et des legs testamentaires.
Les offrandes en nature, produits de la ferme, sont déposées le dimanche avant la messe, à la porte de l'église. A la fin de l'office, une vente aux enchères a lieu au pied de la croix, du calvaire.
Les recettes importantes des paroisses et la prospérité économique des seizièmes et dix-septième siècles favorisent les dépenses importantes qui permettent à la Bretagne de posséder un patrimoine architectural religieux des plus prestigieux. Mais tous ces facteurs historiques, économiques ne sauraient à eux- seuls expliquer ce phénomène esthétique. L'enclos paroissial émerge au cœur d'une civilisation puissante à l’esprit religieux profond.
C'est cet esprit qui rend compte de ce désir de construire des édifices de plus en plus beaux, de plus en plus subtils. La présence continue des artistes, des artisans est une réalité quotidienne de ces villages de Bretagne. Elle est primordiale pour la création et l'originalité de cette culture.
Les paroisses travaillent avec les grands ateliers qui se déplacent sur de nombreux chantiers.
Nous allons regarder de plus près les cinq éléments qui constituent un enclos paroissial. Pénétrons dans celui de Saint Thégonnec, que chacun s'accorde à reconnaitre comme le plus complet, le plus abouti, et le plus majestueux des enclos paroissiaux bretons
Visite guidée avec l’architecte des Monuments Historiques.
Classée monument historique depuis 1886, l’église de Saint Thégonnec a été gravement endommagée par un incendie le 8 juin 1998, puis restaurée de 1998 à 2005 à l’identique, à l’exception du retable de Notre-Dame du Vrai Secours qui a dû être entièrement refait.
De nombreux corps de métiers anciens ont permis sa restauration. (Rencontre avec ces artisans possédant des techniques ancestrales)
Nous avions réalisés de nombreux plans de cet enclos en 1990. Nous ferons également une comparaison par l’image entre l’ancien et le nouveau retable.
Saint Thégonnec
1- L’enclos
L'enclos apparait avant tout comme un monde fermé, entouré d’une enceinte. Autour de l'église orientée Est- Ouest, l’enceinte y délimite un espace plus développé au sud qu'au nord. Cette clôture marque la frontière entre le monde des morts et celui des vivants. Or cet espace fermé, ou placître, aujourd'hui planté d'arbres et couvert de pelouses, était autrefois le lieu des sépultures. |
Aussi, bien que les tombes aient été transférées, le plus souvent à l’entrée du village, la signification en demeure limpide et révélatrice:
Après la mort, le fidèle ne doit en aucun cas être isolé de la vie religieuse des vivants, la communion entre les deux mondes doit rester unique.
Le défunt est enterré dans le sol même de l'église ou de l'enclos. L'emplacement de la sépulture est déterminé par l'agencement des divers lieux de liturgie et selon son appartenance sociale.
Mais la pression démographique modifiera l'organisation funéraire. Les tombes sont vidées régulièrement et les ossements placés dans un reliquaire.
L'ossuaire peut devenir une chapelle ardente avant les offices et reprendre sa fonction d'origine après le prélèvement des os dans les tombes.
2- La porte triomphale
La porte triomphale est l'élément le plus ancien de l'enclos. Il date de 1587. La richesse des éléments décoratifs en font son heureuse originalité. Quatre piliers massifs terminés par de puissantes volutes surmontées de lanternes encadrent trois passages. Les deux entrées latérales sont fermées par des échaliers tandis qu'au centre se découvre l'arc en plein-cintre de l'entrée principale. |
« DAME MARIE DU VRAI SECOURS, NOUS VOUS PRIONS ARDEMMENT DE NOUS SECOURIR,
VOUS LA PREMIERE AVOCATE POUR PECHEUR ET PECHERESSE »
Telle implore l'inscription qui couvre l’entablement. Cette prière gravée dans la pierre, le volume imposant de l'ensemble de la réalisation, tout concoure à impressionner celui qui veut entrer. Il doit savoir qu'il franchit un espace sacré, qu'il s'apprête à laisser derrière lui le monde profane.
3/ La chapelle funéraire. L'ossuaire.
L'ossuaire est généralement situé à l'ouest et au sud-ouest du porche méridional, contre l'enceinte. L'ossuaire de Saint Thégonnec, édifié de 1676 à 1682, est un authentique chef d'œuvre, un exemple parfait du style classique dans le Léon. |
La situation de l'ossuaire dans la géographie d'ensemble de l'enclos nous indique sa signification profonde. Il impose une vision tragique de l’existence au cœur du sacré, parce qu’il est le premier monument que l’on rencontre une fois franchie la porte triomphale, et celui vers lequel les regards se tournent, lorsqu’on s’apprête à rejoindre le monde profane.
Enfin, parce qu'il est construit à l 'Ouest, où le soleil se couche, emportant avec lui la lumière du Jour.
La foi, ici, ne peut se fonder que sur la conscience de la tragédie de l'existence. Alors que les évangiles annoncent une vie nouvelle, l'enclos, dans cette Bretagne des XVIe et XVIIe siècles, rend cette espérance indissociable de la manière terrible d'appréhender le monde. L'enclos devient le lieu où trépassés et vivants se retrouvent dans une prière commune à la fois unique et ultime.
Dans la Crypte est installée une mise au tombeau, œuvre de Jacques Lespagnol de Morlaix, un ensemble en chêne polychrome exécuté en 1702. |
4/ Le calvaire
Edifié en 1610, le calvaire de Saint -Thégonnec est le dernier exemple des grands calvaires réalisés par l'atelier de l'Elorn. Le célèbre sculpteur Rolland Doré de Landerneau, dit "le sculpteur du roi de Bretagne" a contribué à l'élaboration du monument. |
Orienté nord-sud, situé face à la porte triomphale, il est la construction centrale de l'enclos. La scène de la résurrection est placée sur le côté ouest du calvaire afin que le fidèle, en l’observant soit tourné vers l’Est, où le jour se lève.
De la même façon, la mise au tombeau est placée à l’est, afin de contempler la scène tournée vers l’Ouest, vers l’horizon crépusculaire, symbole de la mort.
Ici l'ensemble est formé de près de 40 personnages sculptés figurant les 9 scènes de la passion. Sur la façade ouest, au dessus d’une table d’offrande, on remarquera une statuette de Saint Thégonnec et son attelage conduit par le loup dompté.
En illustrant les évangiles avec précision avec grand souci de la chronologie, le calvaire répond par ailleurs à une volonté d'instruction des fidèles. Certains personnages sont vêtus à la mode de l'époque d’Henri IV.
5 / l’église
Elle a été gravement endommagée par un incendie le 8 juin 1998, puis restaurée de 1998 à 2005 à l’identique, à l’exception du retable de Notre-Dame du Vrai Secours qui a dû être entièrement refait. Elle est classée monument historique depuis 1886 Dans cet espace sacré, l'église apparait comme le centre et l'aboutissement. Tout ici raconte la sereine certitude de la foi. |
On y pénètre par un porche renaissance, l'intérieur révèle de nombreuses richesses, et les autels retables rivalisent tous de beauté, le mobilier liturgique dans son ensemble, représentatif de la contre-réforme est remarquable et son ornementation a subi l’influence des sculpteurs de l’arsenal de Brest.
Le retable du Rosaire qui date de 1697 montre entre autres scènes, Saint Dominique et Sainte Catherine recevant le rosaire des mains de la Vierge.
La plus belle pièce est sans doute la chaire datant de 1683 qui fut taillée par les artistes LEMEL de Landivisiau. Ses panneaux représentent les quatre vertus cardinales, les quatre évangélistes, tandis que la balustrade de l'escalier porte les quatre docteurs: Grégoire, Amboise, Augustin et Jérôme.
LE TALENT DES MAITRES ARTISANTS.
Après cette présentation complète d’un enclos, nous avons choisis de vous montrer les plus beaux, les plus aboutis, en accord avec les différentes associations de sauvegarde du patrimoine :
Un maitre artisan ou un membre de l’association de sauvegarde nous servira de guide et nous présentera une particularité dans chacun de ces enclos paroissiaux.
SIZUN
ERWAN des «Ateliers Le Ber" menuisier sur les monuments historiques nous raconte la restauration de la charpente de l'église St Suliau à SIZUN. Edifice classé Monuments Historiques en 1943. Durée des travaux de 26 mois, effectués en trois tranches.
La porte triomphale de l'espace sacré de Sizun est très certainement la plus belle et la plus mystérieuse que l'on puisse admirer en Bretagne. Au dessus des quatre colonnes corinthiennes qui l'assoient, est conservée intacte sa célèbre galerie avec son autel et son petit calvaire présentant Jésus crucifié entouré de Marie et de Saint Jean, l’ensemble encadré par les larrons en croix. Achevé vers 1585, elle représente l'exemple merveilleux des portails classiques complets du Léon. |
L'ossuaire, de la même époque, est célèbre pour sa sirène sculptée, cheveux lisses sur les épaules, des algues sur le ventre et la queue s’enroulant le long du pignon.
Sans doute s'agit-il de se souvenir que le village de Sizun, par son nom même, s'inscrit profondément dans la plus haute antiquité celtique, et qu'ici, au pied des monts d'Arrée, le christianisme fut pour autant qu'il fût celte. Ainsi en témoignent bien mieux que les mots les volutes étranges et les têtes bizarres de la frise.
BRASPARTS
Rencontre avec le marcheur s’occupant du circuit de randonnée passant par l’enclos
Brasparts marque la limite des monts d'Arrée et l'origine de son nom « buisson-piqué » raconte mieux que des longs discours l'intimité du lieu avec ces monts sauvages et peuplés seulement de légendes. Si les monts d'Arrée sont terres de l'imaginaire, la paroisse de Brasparts ne pouvait qu'en être le sanctuaire. |
Sur le calvaire, la préface de St Michel terrassant le dragon prend un sens tout particulier lorsqu'on songe qu'en quittant le village le premier mont rencontré se nomme St Michel.
GUIMILIAU
Guimiliau doit son nom à Saint Miliau qui vécu au 6 ème siècle et à qui l'on attribue grand nombre de miracles. GWIK-MILIAU, en vieux breton signifie le village de Miliau. La caractéristique majeure de son enclos est la richesse de son univers sculptural. Passé la porte monumentale sous le regard fixe des deux cavaliers de granit, on ne peut qu'être frappé par la beauté particulière du calvaire. |
Cette beauté tient dans l'impression de mouvement que le foisonnement, le grouillement des personnages, imprime à l' œil du visiteur, par delà l'aspect massif du soubassement.
Mouvement porté par la nudité des quatre arcades contreforts, mouvement de cette surabondance des quelques 200 personnages sculptés.
Les Illuminations des calvaires bretons : Benoît Quéro s'occupe de la mise en scène et en lumière, nous dévoile les coulisses de l'événement.
« À l'époque, on osait les couleurs, on affirmait ses croyances. Nous utilisons des gammes de couleurs inspirées des peintures du Moyen Âge. La neutralité grise, à la mode des Bâtiments de France, n'est pas celle de l'époque. Ces calvaires étaient vraisemblablement peints à l'origine, même s'il n'y a pas de photographies l'attestant »
LA MARTYRE
M. Le Bihan, Maître Verrier se souvient de la Restauration des vitraux du chœur (vitraux du XVIème et verrières de doublage) de l’église Saint Salomon.
La Martyre: le nom breton de cette paroisse se dit "MERZEZ SALAUN", le martyre de Salomon, roi de Bretagne, assassiné à la fin de l’IXème Siècle et canonisé par le pape ANASTASE en l'an 910. L'enclos de la Martyre est renommé pour l'inscription figurant sur son ossuaire, la plus durement expressive de toutes celles rencontrées : "La mort, le jugement, l'enfer froid, Quand l'homme y pense il doit trembler. Fou est celui dont l'esprit ne médite, Sachant qu'il faut trépasser." |
Elle est tirée du "MIROUER de la Mort" livre en partie en breton composé par Jehan Ar Archer Coz en 1513.
LAMPAUL - GUIMILIAU
LANN en breton "l'ermitage" indique la double dédicace de Lampaul-Guimiliau, la première à Saint Paul-Aurélien et la seconde à Saint Miliau. Cette ancienne trêve de Guimiliau fut érigée en paroisse lors du concordat. |
L'apparente âpreté de style des différents éléments de son enclos, la porte monumentale, le calvaire, la chapelle de la Trinité, anciennement l'ossuaire, contraste avec l'élégance décorative de l'église. Le gothique y domine avec toutefois quelques intrusions délicates du style renaissance.
PLEYBEN
Interview du Directeur de l'entreprise: « Spectaculaires », metteur en scène de l’illumination du calvaire :
Ce premier spectacle proposé du 5 au 8 août 2010, a été diffusé chaque soir à 8 reprises. En plus du calvaire, l'enclos paroissial a également fait l'objet d'un travail scénographique pour créer une ambiance lumineuse propice à la découverte d'un joyau du patrimoine breton: le calvaire monumental de Pleyben.
Le spectacle a été conçu par Skertzo : la lumière invite le spectateur à découvrir les scènes suivant le sens de lecture traditionnel. Puis, la seconde séquence anime les scènes suivant le mouvement symbolique de l'astre lunaire. Enfin, le dernier moment du spectacle révèle les statues sous un autre jour, teintées de lumières multicolores.
Pleyben possède l'un des plus somptueux enclos paroissial. Chacun des éléments qui le constituent témoigne et rend compte d'une harmonie délicate. Le visiteur y pénètre par une porte monumentale dite « PORZ-AR-MARO» la porte de la mort. |
Au cœur de l'enclos de Pleyben, la plate forme du calvaire ne présente pas moins de trente scènes des évangiles, de l'annonciation à la flagellation et jusqu'à la crucifixion.
Le visage de la vierge en traduit le caractère unique : sur le visage, sculpté avec intensité dans la dureté de la pierre, des larmes coulent.
Tout ici est dit, tant la douloureuse force du mystère propre à l’univers hautement symbolique des enclos, que la légèreté dans la forme illustrant le particularisme de la Cornouaille par rapport au Léon.
C'est que Pleyben marque la frontière entre l'âme du nord et l'âme méridionale du Finistère.
COMMANA
PHILIPPE (ébéniste) nous présente son travail ; il a participé à la restauration des fonts baptismaux de l’église de Commana, datés de 1683: « Démontage complet pour reprise en atelier principalement de la partie haute qui était en très mauvais état. Un maximum de pièces à été conservé en restaurant les contreparements, mais certaines ont nécessité un remplacement à l’identique (balustres, arêtiers) »
Claude Chapalain, spécialiste de l'histoire des enclos paroissiaux, nous parle de l'émergence de ces chefs d'œuvres architecturaux du XVIe et XVIIe siècle et des spécificités de l'art religieux breton. Ancien recteur de Commana, prêtre à La Roche-Maurice, et conférencier, il nous présente le magnifique retable de cet enclos pour nous permettre sa lecture.
L’église Saint Derrien à Commana est incontestablement un haut-lieu de l’art baroque en Bretagne, ne serait-ce que par ses magnifiques retables ruisselants de couleurs et d’or, d’angelots et de fleurs … L'enclos paroissial de Commana date de la fin du XVIe siècle et se situe au pied des Monts d'Arrée. Il est imposant par son étendue et comprend l'église Saint-Derrien, une porte monumentale, deux calvaires et un ossuaire. |
Après cette découverte imagée des enclos paroissiaux, nous partons à la rencontre d’associations et de musées qui nous permettent encore aujourd’hui, de comprendre et d’admirer ces chefs d’œuvres :
Morlaix et le lin, la fibre du négoce
Reconnue pour son architecture unique au monde, la Maison à Pondalez est à découvrir comme la plus belle pièce de la collection du Musée de Morlaix relative à l’histoire du lin, de la graine au négoce. Cette exposition a été conçue avec le soutien de l’Association Lin et Chanvre en Bretagne.
La SPREV (Sauvegarde du Patrimoine Religieux En Vie)
Implantée dans les cinq départements de la Bretagne historique (Finistère, Côtes-d’Armor, Morbihan, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique), la SPREV veut contribuer au maintien en vie, au développement et à la meilleure connaissance du patrimoine cultuel et culturel de l’Eglise catholique. Elle s’est donnée une « clef » comme emblème, car elle propose l’accès au langage sacré des lieux et objets religieux.
L’APEVE (Association pour la Promotion des Enclos Paroissiaux de la Vallée de l'Élorn)
L’association nous propose de découvrir les vingt et un enclos paroissiaux de la vallée de l'Élorn au travers de ses publications et de ses conférences.
Lin et chanvre de Bretagne
La Bretagne doit au commerce des toiles de lin et de chanvre une bonne part de son patrimoine. Enclos paroissiaux, maisons de tisserands ou de marchands, mais aussi « kanndi » etroutoirs, témoignent de la prospérité que ces plantes ont apportée à la région. Entre passé et avenir, le patrimoine lié au lin et au chanvre constitue une richesse qui ne demande qu'à être valorisée, dans un état d'esprit d'ouverture contemporaine.
L’association des sept calvaires monumentaux de Bretagne
Rencontre et visite guidée avec le Président :
« L’association a pour objectif de promouvoir l'apprentissage de l'histoire artistique et culturelle de la Bretagne par le biais d'exemples concrets des calvaires monumentaux et leur environnement. Le fil conducteur choisi est la mise en couleurs des calvaires les plus spectaculaires de Bretagne par le biais d'un dispositif scénique exceptionnel.
Après l'illumination polychromique du grand calvaire de Pleyben, l'Association des 7 calvaires veut pousser plus loin ses spectacles. Chaque année l’association nous fera découvrir une nouvelle création d’illumination originale, adaptée à un site retenu. Par la suite, l'objectif sera d'offrir au public une succession de spectacles les menant à la découverte d'un itinéraire patrimonial constitué par les 7 calvaires monumentaux de Bretagne »
EPILOGUE
Les artistes et maitre-artisans œuvrant sur ces monuments historiques, nous permettront par leurs gestes traditionnels et expérimentés, une conclusion haute en couleur.
L’Enclos paroissial est assurément un incontournable du patrimoine culturel de Bretagne.
Certains ne voient dans la pierre taillée et l’iconographie spirituelle que le témoin de la ferveur religieuse de leurs ancêtres, seul moyen d’évasion à la vie rude d’antan.
Que de précieuses informations nous livrent la pierre et le bois sur les us et coutume des gens du pays de Bretagne. On a écris le sacré, le quotidien dans le cristal de roche et la dorure des boiseries.
La beauté, la ferveur et toute l’âme et d’un peuple fut habilement exprimée dans ces imposants volumes.
Indéniablement nous avons à faire à un livre à ciel ouvert qui reconnecte le pays à sa très vieille histoire. Quelques brèves explications sur un morceau de granit et tout reprend son sens.
Non, la Bretagne ne fut pas si isolée que cela. Irlandais, gallois, et cornouaillais de Grande Bretagne certes, ont marqué la terre bretonne par les échanges « celtiques ». Mais qui aurait pensé que les ateliers italiens baroques puis maniéristes avaient leur mot à dire dans l’histoire de l’art breton.
Le peuple breton a trop voyagé sur le globe pour ne pas savoir ce qui se passait ailleurs.
Le visiteur contemporain ne peut rester insensible devant cette esthétique impeccable et remuante.
Mais les choses vont plus loin. Le déchiffrage des formes des arts représentatifs de Bretagne ne donne pas seulement que des indications historiques. Ils conduisent aussi au rêve, et également à l’évasion.
Cette œuvre, cette harmonie dans ces espaces clos, respire la vie, les craintes, les espoirs et les aspirations d’un peuple.
Aujourd’hui les bretons ont pris conscience de la valeur des enclos paroissiaux et ont su sauver à temps ce patrimoine, véritable pilier historique visible de la région…
A en juger son engouement populaire, l’avenir des enclos de Bretagne ne semble plus compromis.